Longtemps, voiture électrique a été synonyme de voiturette. A une époque où le pétrole était abondant et les technologies des batteries loin d’atteindre le niveau actuel, ce type de motorisation était en effet cantonné à un usage de proximité. Avec acharnement, la marque Cedre a défendu l’idée avec des modèles aux lignes aussi étranges que leur nom.
A l’heure des Trente Glorieuses, la tendance n’était pas au minimalisme et à la frugalité. Si des voiturettes ont commencé à apparaître, c’est purement et simplement parce que, assimilées à des cyclomoteurs, elles pouvaient être conduite sans permis.
Après le premier choc pétrolier, quelques- uns ont commencé à inventer des autos minimalistes, tant pour lutter contre la congestion que pour imaginer des moyens de transports plus frugaux. Si Raoul Teilhol a été un des premiers à proposer des mini- voitures électriques en France, l’ingénieur toulousain François Guerbet planche également sur la question. En 1974, il présente sa voiturette à trois roues… Qui n’est autre qu’une Mini Comtesse animée par un moteur électrique, et dépourvue de portes latérales, remplacées par des bâches. Celle-ci est vendue sous la marque Cedre (Centre d’Etudes pour le Développement et la Réussite des Entreprises), qui est en fait une association loi de 1901.
C’est dans un communiqué en forme de véritable profession de foi que l’ingénieur plaide pour chaque solution technique retenue… Y compris celles qui sont inhérentes à la base. Pour chaque choix, le pour et le contre sont pesés, sous le chapitre des « servitudes » et des « avantages ». Par exemple, pour le fait que la Soubrette soit un véhicule à trois roues :
Servitudes :
• Confort sommaire.
• Moins bonne tenue en virage si l’on freine (par contre meilleure si l’on accélère).
Avantages :
• Maniabilité supérieure surtout appréciable dans les embouteillages. La roue avant tire dans le sens du virage et le rayon de braquage est des plus réduits.
• Innocuité totale pour les piétons (pas de roue débordante ni d’angle vif).
• Prix de revient inférieur à une quatre roues, et autonomie supérieure
L’argumentaire avance déjà des éléments de langage que l’on connaît bien aujourd’hui, et qui pouvaient seulement commencer à émerger à la suite du choc pétrolier. « La minivoiture électrique urbaine est un produit nouveau qui ne peut être bien jugé qu’en oubliant le concept de la voiture traditionnelle et son folklore : instrument d’évasion, ivresse du bruit, de la puissance, de la vitesse, moyen de paraître et d’étaler ». La liste des clients potentielle est tout aussi étonnante, puisqu’elle commence par… « Les PDG qui veulent continuer à travailler (non sans essence mais sans gaspiller leur temps) ». Ceux-ci se divisent en deux catégories : « ceux qui ont gardé l’esprit jeune et sont sans complexes » et « ceux qui sont sur le retour d’âge et n’ont plus de chauffeur » ! A ceux-ci s’ajoutent « les mémés et les tatas qui retrouvent avec leur petit bolide la liberté et les envies de leurs vingt ans », mais aussi les médecins de centre-ville, les « employés des faubourgs qui apprécient de moins en moins les longues minutes d’attente des transports en commun, surtout par temps froid », et quelques autres niches de marché.
A sa présentation, la Cedre est proposée en plusieurs versions. L’entrée de gamme Junior, sans porte ni pare-brise et non homologuée pour la route. Suit la Mini 1, qui en reprend le moteur de 600 Watts, celle-ci ne peut dépasser 25 km/h et son autonomie est de 45 km environ. Notons qu’il n’existe pas de pédale d’accélérateur, juste un frein : le réglage de la vitesse se fait via une manette au tableau de bord, qui commande un potentiomètre à deux positions. Enfin, une version Mini 2, qui comprend deux moteurs pour un total de 1.200 W, offre une vitesse de pointe de 45 km/h, et son potentiomètre dispose de cinq positions. Cedre annonce alors un tarif de 6.500 Fr pour la Mini 1 et 7.500 Fr pour la Mini 2.
C’est l’année suivante, à l’occasion du Concours Lépine 1975, que Cedre dévoile de plus importantes ambitions. Le modèle déjà connu, renommé Soubrette est accompagnée d’une Midinette, aux lignes plus carrées, jusqu’ici simplement annoncée par la présentation d’une photo de sa caisse nue. La nouvelle venue devient le centre de la gamme. A cette date en effet, Cedre n’annonce plus la Soubrette qu’en version 600 W, également proposée sur la Midinette. Les 1200 Watts ne sont plus disponibles que sur la Midinette, qui est aussi la seule à pouvoir disposer en option d’un variateur électronique, en lieu et place du potentiomètre à cinq positions. Cela lui permet d’atteindre 50 km/h, pour une autonomie de 100 km. Pour atteindre ce chiffre, François Guerbet a connecté deux moteurs de 600 Watts sur la roue avant, la seule motrice sur cet insolite tricycle. Les originalités techniques ne manquent pas sur la Midinette, qui est une création de Cedre à 100 %, y compris en ce qui concerne la châssis plateforme : le train avant dispose également d’un système d’amortissement longitudinal à cône de caoutchouc alors que la direction est assurée par un système de triple poulie, connectées par une courroie en caoutchouc. Enfin, le coffre arrière amovible est monté sur roulettes pour pouvoir être utilisée comme une valise. Déjà à cette date, les tarifs sont en hausse : ils oscillent entre 7.950 Fr pour la Soubrette et 12.500 Fr pour la Midinette à variateur. Au même moment, Cedre présente une voiturette pour enfants, la Formule 1, ainsi qu’un polyculteur.
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