Après dix ans et trois générations, l’Eon Weez voit enfin le jour dans une définition prête à être commercialisée.
Celle-ci n’a plus grand-chose à voir avec la première, si ce n’est le principe des moteurs-roues. Avant tout destinée aux professionnels, cette petite auto homologuée comme quadricycle lourd apparaît très aboutie.
Il aura fallu dix ans à Eon Motors pour concrétiser son projet de voiture électrique légère. C’est en effet en 2012 que le constructeur a fait sa première apparition publique, d’abord au Salon de Genève, puis au Mondial de l’Automobile de Paris. Le prototype jaune avait alors tout du vilain petit canard. Si les impressions au volant étaient bien meilleures que celles laissées par le premier coup d’oeil, la marque a vite compris qu’il allait être difficile de vendre un véhicule aussi peu gracieux. Surtout, Eon Motors avait eu la finesse de trouver une faille dans la réglementation, en proposant la seule voiture sans permis quatre places, grâce à un poids de seulement 250 kg.
Départ à 0
Une brèche bien vite refermée par le législateur, qui a contraint le constructeur de Malijai à changer son fusil d’épaule. La deuxième génération était une voiture sans permis, toujours, mais à deux places. Elle conservait le principe des moteurs électriques intégrés dans les roues, montés sur d’étranges fourches… Un peu comme un chariot de supermarché. Encore une fois, les prestations routières étaient convaincantes. Mais le modèle était sans doute trop spécial pour convaincre. Eon Motors a fabriqué une poignée d’exemplaires de sa Weez 2 avant de décider de repartir d’une feuille blanche, une fois de plus.
Encore une fois, tout change, mais cette génération de Weez est la bonne. Eon Motors annonce en effet une commercialisation de la troisième mouture de son modèle électrique au printemps 2023, à un tarif de 16.800 € hors bonus. La principale révolution concerne le changement de catégorie : il ne s’agit plus d’un modèle sans permis mais d’un quadricycle lourd, même si l’état-major du constructeur confirme qu’il serait techniquement possible d’en dériver une version quadricycle léger, par bridage de la puissance et de la vitesse de pointe. Car les dimensions s’en tiennent en effet au maximum autorisé pour la catégorie des quadricycles légers.
Seul le principe des moteurs-roues demeure
« Depuis la première génération, on n’a rien gardé, si ce n’est le principe des moteurs roues », nous déclare Denis Mergin, PDG et fondateur d’Eon Motors. Et encore, ceux-ci ont changé d’allure. Ce modèle se devait de présenter une allure plus flatteuse, et les fourches de maintien ont été jetées aux orties. Désormais, les roues sont classiquement fixées par des goujons, ce qui donne un aspect plus consensuel au véhicule.
Il y a un moteur par roue, ce qui est unique sur le marché, et fait de la Weez un des rares quadricycles à transmission intégrale. Pour l’instant, la puissance cumulée est bridée à 12 kW (16 ch), soit moins que les 15 kW (20 ch) autorisés par la réglementation. Ce, pour éviter des problèmes de surchauffe. Mais ces moteurs choisis chez un fournisseur devraient à terme être remplacés par des éléments spécifiques, ce qui permettrait de tirer plus de puissance.
Les moteurs permettant le montage de roues classiques n’est pas le seul élément qui transfigure la physionomie de la Weez.
Celle-ci affiche un look totalement inédit, de petit monospace. Si elle ne reprend pas les originales portes papillon du premier prototype, cette nouvelle génération se risque tout de même dans le bizarre, concernant les ouvrants. Les portes avant, de dimensions traditionnelles, sont doublées de demi-portes arrière antagonistes, comme sur une Mazda RX-8.
Cela laisse un accès facilité au compartiment arrière, pour l’instant dédié au chargement de marchandises sur cette version City-Pro, la première commercialisée. Eon Motors a déjà d’autres idées en tête, comme l’a prouvé la présence de l’étude City-4 sur le stand de la marque au Mondial de l’Automobile : cette version quatre places sera une proposition unique sur le marché.
Ses rivales sont de vraies voitures
Eon Motors ne s’en cache pas : sa Weez est un quadricycle, mais elle a pour ambition de rivaliser avec des vraies voitures à vocation urbaine comme les Dacia Spring et Smart EQ Fortwo. Si l’esthétique sera l’affaire du goût de chacun, force est de constater que la présentation à bord est celle d’un quadricycle et non d’une vraie voiture, avec des matériaux légers (le haut des contreportes se déforme sous la pression du doigt) et un style assez basique, de nombreux composants étant issus de catalogues de fournisseurs. Tout de même, des efforts ont été faits avec une peinture au toucher soyeux sur la coiffe de planche de bord et des assemblages rigoureux.
Fonctionnelle, la Weez n’a rien d’une voiture de luxe. Mais il s’agit pour l’instant d’un modèle à vocation utilitaire, dont la présentation n’a rien de rédhibitoire. La City 4 destinée aux particuliers devrait avoir un habitacle plus gai, comme le laisse espérer l’étude de style dévoilée au Mondial de l’Automobile. Pour vraiment rivaliser avec les Dacia Spring et Smart EQ Fortwo, il lui faudra tout de même offrir une climatisation à l’avenir. Un système de pompe à chaleur est à l’étude.
La position de conduite est assez naturelle, malgré un passage de roue un peu intrusif.
Les premiers tours de roue se font en silence, et la réactivité rappelle celle de la Dacia Spring : les démarrages se font sans hâte, avant que les moteurs ne trouvent leur second souffle au-delà de 20 km/h. Alors, la Weez est capable de laisser sur place bon nombre de citadines à moteur essence, et elle devient un vrai plaisir à conduire en milieu urbain. Au-delà de 70 km/h, l’accélération se fait moins franche, mais nous n’avons eu aucun mal à atteindre les 90 km/h autorisés par la réglementation (92 km/h au compteur précisément). Bref, côté performances, la Weez n’a pas à rougir face aux vraies voitures à vocation urbaine. Dommage simplement que les voies rapides lui soient interdites…
Un confort étonnant
Notre essai à Paris et ses environs nous a permis de rencontrer à peu près tous les types de revêtement, y compris les plus mauvais comme les pavés de l’Ecole Militaire. Malgré les moteurs inclus dans les roues, qui augmentent nécessairement les masses non suspendues, le confort s’avère excellent. La suspension filtre avec application les cahots de la route, des plus petits aux plus gros, en partie aidés par des pneus à flancs assez hauts. Là encore, le ressenti est digne d’une vraie voiture. Il n’y a que quelques bruits de structure résiduels pour rappeler qu’on est à bord d’un quadricycle. Remarquable !
Le comportement routier appelle également des éloges
Grâce à son centre de gravité bas et sa légèreté, la Weez se révèle accrocheuse et saine. La direction, dépourvue d’assistance, séduit par son côté direct. Le retour d’information est plutôt détaillé et on ne regrette qu’un léger manque de rappel sur les petits angles de braquage. Un compromis, selon les ingénieurs de la marque, pour assurer une meilleure tenue de cap à 90 km/h. À l’usage, l’absence d’assistance de direction n’est pas problématique du tout : ce n’est que lorsqu’on braque à fond, pour se garer en créneau par exemple, que l’on ressent une certaine dureté. Les manœuvres s’effectuent tout de même aisément, d’autant plus que l’angle de braquage est généreux et le gabarit menu. Une citadine accomplie ! Nous avons été impressionnés par la qualité du freinage, très facile à doser, malgré la présence d’un système régénératif. Beaucoup de constructeurs bien établis ne font pas aussi bien !
Il aura fallu du temps, donc, mais l’Eon Weez est enfin là, et elle tient ses promesses.
Ses qualités sont réelles, au point qu’elle soutient la comparaison avec ses rivales qui ne sont pas des quadricycles mais de vraies voitures… Y compris en ce qui concerne l’autonomie, annoncée à 100 km réels par la marque. Malgré un bonus défavorable, de seulement 900 € soit bien inférieur à ce qui est octroyé aux automobiles, son tarif demeure comparable à bon nombre de citadines électriques, au rapport encombrement/habitabilité moins favorable. Une vraie performance, qui devra s’inscrire dans la durée, avec notamment un canal de commercialisation qui se doit d’être à la hauteur des qualités de cette petite auto maligne.
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